vendredi 7 juillet 2006

[BHM/Ecyen] Un cadavre dans le placard

John-Edward of Longenwood entra à la suite de l’intendant. Bien que averti de la puanteur, il ne put réprimer un pas de recul lorsque les relents l’atteignirent. Il eut beau se couvrir le nez de son mouchoir parfumé, les fragrances de roses et de violettes ne couvraient qu’à peine l’odeur du cadavre en décomposition.

Le pendu se tenait au centre de la pièce, tête sur le côté, yeux exorbités fixant vers la porte et les deux arrivants. Vers et mouches avaient commencé leur besogne rendant le corps difficilement identifiable, mais la tunique de satin, la corpulence, l’anneau d’or en feuilles d’orme à l’annulaire droit et la fine cicatrice blanche dans le vert de la joue assuraient que c’était bel et bien Wilfied Grenea, Vicomte d’Elmton, vassal et ami de John-Edward, qui se trouvait devant eux.

‘Depuis combien de temps avez-vous dit qu’il était là ?’ demanda le comte du Longenwoodshire.

‘Il avait disparu depuis une décade, Milord.’ répéta l’intendant, un orquain du nom de Stalvirius.

‘Et comment cela se fait-il qu’il vous a fallu dix jours pour le retrouver ?

‘Voyez-vous, Milord. Cette pièce était l’ancienne nursery et depuis le décès de Lady Ann, elle était inusitée.’

Sauf par certains domestiques qui en avait fait le lieu privilégié de leur badinage, d’après ce que John-Edward avait cru comprendre. L’endroit était parfait pour cela, la pièce n’avait plus d’utilité depuis plus de vingt ans, donc peu de chance que l’on y soit dérangé. Mais cette fois, il y avait déjà un occupant, leur maître en état de décomposition. De quoi couper tout afflux sanguin et en provoquer un de bile, à en croire une flaque séchée !

‘Maintenant que je l’ai vu,’ fit le Comte. ‘Il faut le dépendre et le préparer à ses funérailles.’

‘Mais, Milord, il s’est suicidé !’ s’écria l’intendant. ‘Et Mah interdit qu’il soit inhumé.’

John-Edward fustigea l’orquain du regard et énonça ‘Le Vicomte, que je sache, n’était pas mahien, il n’a donc pas à se plier à vos préceptes religieux. De plus, je n’ai pas parlé d’enterrement, mais de funérailles, ce qui, vu l’état de son corps, signifie crémation. Ensuite, au cas où vous auriez oublié, Stalvirius, je suis Earl of Longenwood, Comte du Longenwoodshire et suzerain de votre maître, c’était donc un ordre, que j’entends bien être exécuté. Enfin, regardez autour de vous, cela ne donne pas l’impression d’être un suicide.’

‘Pourquoi dire-vous cela, Milord ?’

‘L’âge aurait-il affecté votre esprit, Stalvirius ? Lord Grenea est seul au milieu d’une pièce bien rangée. Or s’il s’était réellement suicidé, à ses pieds, on devrait trouver une chaise, une caisse, ou toute chose qui lui aurait permis de se pendre. A moins bien sûr que vous l’ayez rangé.’

‘Non, Milord, nous n’avons touché à rien. Le marmiton et la soubrette, qui m’ont prévenu, étaient trop bouleversés pour cela, et je suis le seul autre à y avoir pénétré avant votre arrivée.’

‘Ce qui tendrait à confirmer mon hypothèse d’un meurtre,’ affirma John-Edward. ‘Ensuite, est-ce qu’il vous a paru déprimé les jours précédant sa disparition ? Ou a-t-il laisser une note expliquant son geste ?’

‘Non, Milord, préoccupé, peut-être, mais pas déprimé. Cependant n’est-ce pas un peu abusif de penser que c’est un meurtre ?’

Peut-être, en effet ! Pourtant John-Edward ne pouvait pas se résoudre à croire que Wilfried se soit suicidé, surtout sans l’appeler à l’aide auparavant. Plus que son suzerain, il avait été son ami et son frère d’arme. Sa mort ne pouvait être qu’un meurtre, qu’il entendait bien venger.

‘Et puis je ne lui connaissait pas d’ennemi.’ continua Stalvirius.

‘Il était noble, il avait des ennemis ! Cela pourrait être des mécontents de sa politique, de la mienne, ou même de celle du roi, une personne envers laquelle il avait pu commettre une injustice, des rivaux jaloux, croyez-moi, Stalvirius, les ennemis, ce n’est pas ce qui aurait pu lui manquer. Et en attendant ses funérailles, j’ai bien l’intention de rester à Elmton et d’enquêter à ce sujet. Au passage, savez-vous quand Sir Andrew va arriver ?’

‘J’ai envoyé le message le prévenant de la mort de son père en même temps que le vôtre, Milord. Cela dit, Grestonfield, où son régiment est cantonné, est bien plus éloigné d’ici que ne l’est Longenwood. Il risque de ne pas être là avant plusieurs jours.’

‘Certes, cela me laissera quelque temps pour mener mon enquête.’ affirma le Comte, qui tourna les talons, ne supportant plus ni la puanteur, ni la vue d’un cadavre.

‘Milord, puis-je me permettre une question ?’ avança l’intendant, le suivant. ‘Je vous croyais à Cyalenrich, au Conseil des Earls, comment se fait-il que vous ayez eu la missive de Longenwood ?’

‘Je suis arrivé de la capitale, hier, pour préparer l’arrivée de ma soeur, qui revient s’installer dans le comté. Mais au vu des derniers événements, je vais laisser Thomas, mon intendant, s’occuper de cela. Il commence à avoir l’habitude.’

Sa dernière phrase s’acheva dans un large bâillement. Il n’avait plus l’endurance de ses jeunes années. Le voyage entre Cyalenrich et Longenwood avait pris quatre jours et il avait dû chevaucher toute la journée afin d’arriver à Elmton avant la nuit, pour voir de ses propres yeux le cadavre de son ami. Pas étonnant qu’il se sentît si las en cette soirée !

Sitôt que Stalvirius eut verrouillé l’ancienne nursery, John-Edward demanda à être conduit dans ses appartements; où il pris un repas léger avant de rejoindre son lit. A peine sa tête eut-elle touché l’oreiller, qu’il sombra dans un profond sommeil.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

voilà. je pars, et y'a plus personne qui tient la baraque! Nom de nom!

Anonyme a dit…

pourquoi pas:)